2020/02/28

Impressions de conduite: Cadillac CTS-V


Introduction.

Depuis plusieurs années déjà les constructeurs de berline de luxe sportive se livrent une bataille effrénée quant à qui aura le plus de chevaux vapeur sous le capot. Cette guerre des chevaux vapeurs ou «horsepower wars» comme l’appel nos amis anglophones, a débuté avec les constructeurs de luxe allemand tels qu’Audi et BMW, il y a de cela déjà plus de 30 ans. BMW tira la première salve avec ses véhicules dits M, et ces deux concurrents principaux emboîtèrent le pas peu après avec les RS chez Audi et les AMG chez Mercedes. En tant que bon Américain, GM ne pouvait laisser cette part du marché aux Allemands surtout que Lexus venait de prendre part aux hostilités avec la IS-F et maintenant la GS-F. C’est donc dans ce contexte que fut née la première Cadillac CTS-V en 2004. La CTS-V de l’époque était une version survitaminée de la CTS de base avec un moteur V8 tout droit sorti de la Corvette. Ce fut un bon succès à l’époque et le modèle fut reconduit à chaque nouvelle génération en gardant plus ou moins la même recette, pour en arriver au modèle que j’ai eu la chance d’essayer, soit la CTS-V 2018. Donc, je vous propose mes impressions de conduite de ce bolide très spécial.

Design, intérieur et finition.

Perso, j’aime bien le design des nouvelles Cadillac. Les arrêtes carrées et coupées au laser des premières années sont maintenant quelque peu arrondis et plus conventionnelles. Cela n’empêche pas qu’on remarque instantanément une Cadillac sur la route sans que le tout soit trop ostentatoire. Fini les chaloupes bardées de chrome, on a maintenant droit à un style d’inspiration européenne, mais tout de même unique à la marque américaine. La CTS monte en dimensions et en gamme chez Cadillac alors le style est plus assagi que par le passé. La version V s’identifie facilement grâce aux différents ajouts de carrosserie. Bonus, tout est fonctionnel et sert soit à améliorer le coefficient de trainée ou augmenter l’appui aérodynamique à haute vitesse.

La finition aussi a fait des pas de géants pour un produit GM. Les panneaux de carrosserie sont bien ajustés et la peinture est de qualité. Le look intérieur est tout aussi intéressant qu’à l’extérieur. Les matériaux sont de bonne facture et l’assemblage digne de ce nom. Les sièges sport en cuir avec le logo V sont particulièrement efficaces. Ils offrent un bon support et sont confortables. À mettre dans votre liste d’options pour sûr. Tout comme le volant sport recouvert d’Alcantara. Néanmoins, certains compétiteurs font encore mieux dans ce domaine tel que Audi, qui est tout simplement le maître incontesté en la matière. Côté design j’aime mieux celui de Mercedes-AMG qui est tout aussi sportif, mais beaucoup plus classique et intéressant.

Malgré le gabarit imposant de la voiture, l’espace à l’intérieur y est quelque peu compté. Mes jambes sont à l’étroite ce qui fait que mes genoux cognent sur le tableau de bord et l’encart de porte. Outre ce détail agaçant, la position de conduite est parfaite et on est très bien tenue en place en conduite sportive ce qui arrive assez souvent à bord de la CTS-V. À l’arrière ce n’est guère mieux côté espace. Par contre, le coffre est conséquent. À la défense de la CTS, c’est la même chose pour la plupart de ses concurrentes. Côté système de son et info divertissements, malheureusement, je ne peux pas vous en dire beaucoup. Mon essai routier était assez court, donc j’ai préféré me concentrer sur la conduite de la voiture. Je vous dirai seulement que la CTS-V est équipée d’un système de son Bose à 13 haut-parleurs, le tout intégré au système de reconnaissance vocale CUE. Ce dernier n’était pas des plus commodes dans ces anciennes versions, mais celle de 2018 semble quand même plus conviviale. De mon côté, je préfère écouter la sonorité course du V8. Ce dernier est très bien filtré, seuls les sons intéressants pénètrent dans la cabine et les vibrations désagréables sont laissées à l’extérieur.

Comportement routier.

Parlant du V8, ça en est tout un! Il provient littéralement de la Corvette Z06. C’est-à-dire, le fameux LT4 avec compresseur volumétrique. Ce moteur est la 5ième génération du légendaire «small block V8» de chez Chevrolet. Dans la version qui nous intéresse, il déplace 6,2 L, reçoit l’injection directe et un arbre à cames central avec poussoir. Malgré cette technologie quelque peu dépassée, GM a quand même réussi à offrir un système à variation continue tant sur la levée et le temps d’ouverture des 32 soupapes. De plus, le moteur peut couper l’alimentation en essence dans un ou plusieurs cylindres pour plus d’économie. Dans la Corvette standard, ce V8 est bon pour 450 Hp, mais comme je vous le disais plus haut, c’est celui de la Corvette Z06 qui se retrouve sous le capot. Le V8 LT1 standard reçoit donc une panoplie de modifications. Les plus importantes sont, des culasses en aluminium spécifiques et optimisées, des pistons et bielles forgés, des soupapes en titane, le tout faisant grimper le taux de compression à 10 :1. Ensuite, le système de lubrification standard est remplacé par un carter sec pour plus de fiabilité et une pression constante lors de manœuvres violentes. Comme si ce n’était pas assez on ajoute un compresseur volumétrique à double volute Eaton TVS sur le dessus. La puissance monte ainsi à 640 Hp pour 6 400 tr/min. tandis que le couple est de 630 lb-ft à 3 600 tr/min. Et voilà le LT4 en quelques mots.

Sur la route, cela donne des performances à couper le souffle, littéralement. En ligne droite et lorsque la chaussée s’y prête, les accélérations sont carrément douloureuses. Vos yeux et votre poitrine restent sur place tandis que le reste de la voiture accélère comme une démone. La faute aux immenses pneus Michelin Pilot Super Sport en 295/30ZR19. L’avant n’est pas moins bien traité avec des 265/35ZR19. En mode Track, il est possible de faire un fameux «burnout», mais ces pneus ne vous laissent pas jouer longtemps, après quelques mètres, ils ont déjà retrouvés leur motricité et vlan, vous voilà repartit comme une fusée. Seule ombre au tableau, la transmission, qui est la classique 6 vitesses de GM. Je n’aime vraiment pas cette transmission, elle est stupide (lisez ici qu’elle ne change pas de rapport au moment opportun) et pas très confortable. Avec 640 Hp sous le capot, les changements de vitesse sont brutaux sans être rapide pour autant. C’est encore plus vrai lorsque la voiture est en mode Sport ou Track. On a l’impression d’avoir un apprenti conducteur qui s’occupe de changer les rapports pour nous. Bref, c’est le point faible de la CTS-V.

Le châssis lui est super. On parle d’une suspension magnétorhéologique MacPherson à l’avant et multibras à l’arrière. Évidemment, le tout est revu par rapport à la CTS standard ainsi que le système de contrôle de la stabilité StabiliTrak. Vous vous demandez surement qu’est-ce qu’une suspension magnétorhéologique, eh bien ce sont tout simplement des amortisseurs remplis d’un liquide magnétique. Lorsqu’un courant les traverse, le liquide change de viscosité, ce qui fait que les amortisseurs deviennent plus ou moins raides. On peut ainsi varier en continu le degré de fermeté de la suspension. Le système est si perfectionné et rapide qu’il peut réagir aux bosses et trous de la chaussée au moment où la roue y pénètre. Le tout a été conçu et réglé par MultiMatic une compagnie canadienne qui s’était aussi occupée de la dernière Camaro Z/28. Donc, en mode Comfort, devinez quoi, la CTS-V est aussi confortable qu’une CTS standard. Le tout demeure quand même assez ferme, une grande berline style Cadillac XT6 ou Lincoln Continental est plus douce. Par contre, la CTS-V, lorsqu’en mode Sport ou Track, devient beaucoup plus raide et sur une bonne vieille route québécoise, c’est dur pour vos lombaires. Par contre, on gagne en tenue de route et feeling de conduite.

Au volant, on sent très bien tous les efforts mis lors de la conception. Le devant de la voiture est incisif et précis et l’arrière suit au doigt et à l’œil. Le grip est impressionnant surtout pour une voiture de cette taille et les changements de direction se font instantanément. On a un peu de feedback dans le volant ce qui permet de bien sentir ce que la voiture veut faire. J’en aurais aimé plus, mais c’est suffisant pour la route ouverte et honnêtement, personne n’ira sur un circuit avec cette voiture. Avec toute cette puissance, on a besoin de bons freins et le système Brembo répond présent. L’attaque à la pédale est franche et la puissance est tout aussi douloureuse que lors des accélérations.

Si vous savez ce que vous faites un peu, la CTS-V vous fera perdre votre permis dans moins de temps qu’il ne faut pour lire cette phrase. Sinon, c’est le décor qui vous attend, il est tout simplement impossible d’approcher de ses limites sur la voie publique. Cadillac nous annonce un 0-100 km/h en 3,8 secondes, on continue jusqu’à 160 km/h en 8,1 secondes et 12 secondes plus tard on est rendu à 240 km/h. Selon «Car and Driver» le ¼ de mile se ferait en 12,0 secondes à 195 km/h et la CTS-V s’arrêterait à partir de 113 km/h en 44,4 mètres. Cadillac eux, affirme que leur bolide peut filer jusqu’à une vitesse maxi de 322 km/h. Malheureusement, je n’avais pas mon chrono avec moi lors de mon essai, mais je peux vous dire qu’au feeling je n’ai aucun doute que la CTS-V peut effectuer ce genre de performances, et ce à maintes reprises.

Fiabilité et coût de possession.

La réputation du fameux moteur «Chevy small block» n’est plus à faire. Comme le LT4 est en fait la 5ième génération de celui-ci, je ne vois pas de gros problème de fiabilité à l’horizon. Par contre, il est quand même un peu plus compliqué que votre V8 de pick-up standard. La facture d’entretien risque d’être plus salée et il faudra respecter la cédule d’entretien religieusement. C’est un moteur sportif donc c’est normal. Ce qui m’inquiète le plus dans la CTS-V, c’est la transmission. Avec toute la puissance qu’elle doit absorber, elle risque de servir de fusible au train moteur. Surtout que le design de GM n’est pas des plus fiables. Aussi, restera à voir ce que le manque de refroidissement moteur pourrait faire à la fiabilité à long terme. Lors d’interview, les ingénieurs qui ont conçu la CTS-V, ont affirmé que cela a été un de leurs plus grands défis avec cette dernière.

Le véhicule est garanti pare-chocs à pare-chocs 48 mois et/ou 80 000 km. Le moteur et la transmission le sont jusqu’à 6 ans et/ou 110 000 km. C’est tout de même très intéressant et c’est beaucoup mieux que la concurrence dans ce segment. Par contre, les coûts d’entretien sont assez élevés chez Cadillac. C’est d’autant plus surprenant que le véhicule est entretenu au côté de vulgaire Chevrolet Spark ou GMC Sierra. Mais disons que si vous avez les moyens de vous payer une CTS-V neuve, vous devriez être capable de l’entretenir convenablement. Parlant d’acquisition, louer le véhicule. La dépréciation est assez intense sur ce genre de voitures.

Conclusion.

Avant l’arrivée de la Mercedes-AMG E63 S sur le marché au début de l’année, la CTS-V était la voiture la plus puissante de sa catégorie. Est-ce que cela en faisait la meilleure voiture de la dite catégorie? Eh bien, c’est moins certain. Chaque véhicule dans cette classe, qui comprend la Audi RS7, la BMW M5, l’Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio, pour n’en nommer que quelques-unes, a son caractère bien à lui. La RS7 par exemple est moins puissante que la CTS-V, mais profite d’un excellent système quatre roue motrice quattro. L’attrait de la BMW M5 réside dans son moteur extraordinaire et ainsi de suite. Je n’ai conduit que la RS7 dans le lot et je dois dire que la CTS-V est beaucoup plus agile et plaisante à conduire que la Audi. Par contre, cette dernière reprend la tête du peloton quand les conditions sont mauvaises ou la route bosselée. Bref, la CTS-V est une réussite reste à voir votre goût personnel. Par contre, il demeure un fait indéniable, elle est beaucoup moins chère que ses concurrentes.

Design : 4/5
Motorisation : 5/5
Tenue de route : 5/5
Fiabilité et coût de possession : 3/5

Score final : 17 / 20

Aucun commentaire: