2020/02/02

Impressions de conduite: Toyota Mirai 2019.


Introduction.

J’ai vu le futur, mais il n’est pas prêt encore! Effectivement, j’ai eu la chance d’essayer la toute nouvelle Toyota Mirai. Pour ceux qui ne le savent pas, la Mirai est une voiture 100% électrique. Par contre, son électricité est fournie par une pile à hydrogène au lieu d’une batterie de piles électriques ordinaire, comme la Nissan LEAF ou la Chevrolet Bolt, pour n’en nommer que quelques-unes. La grosse différence est qu'au lieu de brancher la voiture dans une prise électrique pour recharger la batterie, il suffit de remplir le réservoir d’hydrogène de la Mirai pour que sa pile à hydrogène produise l’électricité nécessaire à son fonctionnement. Une fois l’hydrogène utilisé, le seul sous-produit ou «échappement», si l'on compare le tout à un véhicule conventionnel à essence, est de la vapeur d’eau. En théorie, c’est une solution presque parfaite au problème de la contribution en gaz à effet de serre des véhicules automobiles et aussi la plupart des véhicules qui utilisent des hydrocarbures comme carburant (avions, trains, bateaux, etc.). Malheureusement, en pratique ce n’est pas tout à fait le cas ou du moins pas pour l’instant. Je vous explique le tout plus en détail ci-dessous.

Design, intérieur et finition.

Dans la vie, il y a des choses que je ne comprends pas. Entre autres, pourquoi les constructeurs automobiles s’entêtent-ils à faire des design aussi horribles pour leurs véhicules électriques? J’ai l’impression que la Mirai a été dessiné par Homer Simpson. Les proportions sont inégales et les traits grossiers. Heureusement, la finition extérieure est digne de ce nom. Les panneaux de carrosseries sont bien agencés et la peinture de qualité. Mon exemplaire était peinturé en blanc cristal au fini nacré qui est très réussi. Dommage que la carrosserie ne soit pas plus flatteuse. À l’intérieur, on nage encore dans l’extrême. Personnellement, j’aime bien un peu d’audace dans le dessin d’une planche de bord, mais j’imagine que ce sera trop pour certains. Encore une fois, l’assemblage est digne de ce nom et les matériaux de qualité. J’apprécie tout particulièrement la cuirette rembourrée sur le bas du tableau de bord. J’ai de très grandes jambes et mes genoux venaient doucement se poser sur ce matériel au lieu de frapper un plastique dur comme dans bien d’autres voitures. Malgré toutes ces qualités, pour le prix demandé, les accessoires et la finition laissent grandement à désirer. Je vous réserve la surprise plus bas, mais on est niveau de grandes berlines de luxe. Et la Mirai ne suit tout simplement pas de ce point de vue. L’espace à l’intérieur est correct, dans la moyenne pour cette dimension de voiture. Par contre, le coffre est plutôt petit. La faute à tout le tralala électrique.

Sinon, les instruments sont assez clairs. Le tout est projeté sur un écran TFT au centre du tableau de bord. Seul reproche, les différentes informations sur ce qui se passe dans votre système électrique et sur la consommation, etc. sont très compliqués. Il est difficile de savoir ce qui se passe au premier coup d’œil et les menus ne sont pas faciles d’approche. J’imagine que durant une utilisation plus prolongée on finit par s’y retrouver. Les commodos de ventilations ou de la radio sont tous tactiles. Comme c’est souvent le cas avec ce genre de gadgets, ça ne fonctionne pas toujours bien. Surtout avec mes mains de bucherons, j’ai souvent de la difficulté à faire ce que je veux du premier coup. Remarquez, la même chose se produit avec ma tablette, etc. Alors le problème vient peut-être de mon côté. Et comme toujours, reste à voir ce que ça donnera un 8 janvier à -35 deg. C. La sono est supposée être un système haut de gamme de chez JBL avec 11 haut-parleurs. La clarté est au rendez-vous, mais on manque définitivement de puissance. Encore une fois, les concurrents du même prix font beaucoup mieux.

Comme la voiture est dépourvue de moteur à essence, les seuls bruits qu’on entend sont ceux de la route à l’extérieur de la voiture. Ces bruits sont toujours désagréables et lorsque le bruit du moteur est absent, ils n’en deviennent que plus évidents. Heureusement, la Mirai est très bien insonorisée. En ville, on entend simplement un genre de ronronnement électrique lorsque le moteur est en fonction. Sinon, c'est seulement le roulement des pneus qui nous indiquent que le véhicule est en mouvement. Sur autoroute, les bruits de vents sont très bien contrôlés. Il faut dire que la Mirai de par sa nature est très aérodynamique. Le roulement des pneus devient plus envahissant à cette vitesse, mais c’est tout de même plus que tolérable. Je n’aurais aucune crainte à faire de très longues distances au volant de la Mirai, elle est très confortable.

Comportement routier.

Je vous le dis de suite, on embarque dans le très technique. Pour ceux que ça n’intéresse pas, vous pouvez sauter le prochain paragraphe. Je me contenterai de vous donner ces détails. Le moteur électrique synchrone à aimant permanent de la Mirai développe 151 Hp pour 247 lb-ft de couple et le tout de façon instantanée ou à 0 tr/min. C’est suffisant pour abattre le 0 à 100 km/h en 9 secondes environ à l’aide de la transmission automatique à une vitesse qui envoie le pouvoir aux roues avant seulement.

Cette partie de la voiture est plutôt conventionnelle ou du moins, pour une voiture à propulsion électrique. Par contre, les similitudes s’arrêtent là. La grosse différence avec la Mirai est la façon dont l’électricité fournie au moteur électrique est produite. Dans un véhicule électrique normal, on a une batterie de piles qui réside dans le véhicule et qui doit être rechargée éventuellement. Le tout se fait à partir d’une vulgaire prise électrique résidentielle ou un chargeur dédié. L’électricité provient alors du réseau électrique de votre localité, région, province, pays, etc. Donc, sous certaines circonstances un tel véhicule électrique a le potentiel d’être aussi polluant qu’un véhicule à moteur thermique tout dépendant de la façon dont l’électricité du réseau dont il dépend est produite. Dans le cas de la Mirai, il n’y a point besoin de la brancher à un réseau électrique. C’est même impossible, puisque le véhicule n’est pas doté d’une prise pouvant le faire. L’électricité nécessaire provient plutôt d’une pile à hydrogène. Cette dernière combine de l’hydrogène pur à l’air ambiant pour la transformer en vapeur et en électricité. Toute la technique derrière est plutôt compliquée et je vous en ferai grâce ici, suffit de savoir ce principe de base. Donc, tant que ladite pile à hydrogène a accès à de l’hydrogène et de l’air, elle pourra fabriquer de l’électricité. Pour ceux qui ont suivi dans leurs cours de chimie à l’école, vous avez déjà compris qu’on doit trouver notre hydrogène quelque part puisqu’il n’y a pas ou très peu d’hydrogène pur dans l’atmosphère ou ailleurs. L’hydrogène est donc stocké dans un réservoir à l’intérieur de la Mirai. La construction du réservoir est différente, mais le principe est le même que votre voiture à essence actuelle. Le réservoir fourni l’hydrogène à la pile qui fournit l’électricité au moteur électrique et le seul sous-produit de cette action est de la vapeur d’eau et pure à 100%. Une fois le réservoir vide, il suffit de le remplir et on est repartis. Donc, contrairement au véhicule 100% électrique, il suffit de quelques minutes pour remplir son véhicule d’hydrogène comme on le ferait avec de l’essence ou du diesel. Dans la vraie vie, ce n’est pas si simple que ça et c’est probablement un des plus gros défauts de la Mirai. J’irais même jusqu’à dire son talon d’Achilles qui l’empêche d’être une vraie solution pour l’instant. On s’en reparle plus bas.

Sur la route, la Mirai est semblable à la plupart des véhicules 100% électriques. Les 247 lb-ft de couple sont disponibles instantanément ce qui fait que la Mirai accélère avec autorité à partir de l’arrêt. Par contre, plus la vitesse augmente, plus l’accélération diminue pour devenir littéralement piétonnière vers les 120-130 km/h. La faute à la transmission à un seul rapport qui équipe la Mirai. D’ailleurs, j’ai hâte que les constructeurs se démêlent les pinceaux et offrent une transmission à plusieurs rapports sur ce type de voiture. Néanmoins, en ville vous n’aurez aucun problème à placer la voiture et même à être le premier devant. Sur l’autoroute, l’accélération est tout de même suffisante pour dépasser, mais il faudra prévoir le tout un peu à l’avance puisque la réserve de puissance n’est pas énorme.

Malheureusement, la poussée du couple en ville est le seul frisson que la Mirai pourra vous offrir. Sa direction est trop assistée et dénuée de toutes sensations. Une fois le volant engagé dans la courbe, la précision est correcte, mais au centre il y a un petit vague désagréable. Remarquez que c’est commun à plusieurs voitures munies d’une direction à assistance électrique. La suspension est en général confortable et sait bien filtrer les petites imperfections. Par contre, sur les grosses bosses elle rebondit beaucoup. Elle est très molle et a donc de la difficulté à réagir au pire que nos bonnes vieilles routes québécoises sont capables d’offrir. Heureusement, le grip latéral est au rendez-vous, la fibre Toyota est présente et la Mirai sait bien se tenir une fois engagé dans une courbe. Surprise! Les pneus à faible résistance au roulement sont efficace et savent prendre les 247 lb-ft de couple ou un virage à haute vitesse. Côté freinage, c’est efficace, mais comme c’est souvent le cas dans les véhicules hybrides ou 100% électriques, le système de régénération vient jouer les trouble-fêtes. La pédale de frein est difficile à moduler et l’assistance au freinage du système de régénération est aléatoire au mieux ou inexistante quelquefois. C’est d’ailleurs un des plus gros problèmes de la Mirai, son freinage est très inégal.

Le plus gros problème par contre, réside dans le manque d’autonomie de la voiture. On peut comparer la consommation d’hydrogène à la consommation d’essence d’une voiture conventionnelle. Par contre, là où l’autonomie en essence est calculée en L / 100 km, celui de la Mirai se calcule en kg d’hydrogène / 100 km. Effectivement, comme l’hydrogène est un gaz et qu’il est comprimé dans le réservoir on se doit de calculer le tout en kg, une unité de masse, plutôt qu’en volume. Néanmoins, 1 kg / 100 km est de façon très approximative l’équivalent de 1 L / 100 km d’essence. Une fois l’affichage très compliqué de la Mirai déchiffré. J’ai pu noter que mon essai avait en moyenne consommé 10 kg / 100 km. Ce qui pour ce genre de voiture n’est vraiment pas super. Une Toyota Camry fait facilement moins de 8 L / 100 km pour des performances similaires. De plus, le réservoir d’hydrogène n’est pas très grand ce qui fait que selon les conditions, l’autonomie varie entre 300 et 400 km. C’est trop peu pour une berline de ce type. Par contre, ça se compare avantageusement à une voiture 100% électrique du même prix, comme une Tesla Model 3 par exemple.

Fiabilité et coût de possession.

Donc, comme on l’a vu ci-dessus, la Mirai consomme quand même un peu. Heureusement, le ravitaillement n’est pas trop compliqué et est rapide? Eh bien non! et c’est d’ailleurs le plus gros problème de ce véhicule, l’infrastructure d’hydrogène est tout simplement inexistante au Québec. C’est aussi vrai dans la plupart des régions civilisées du monde. Il y a bien une station de recharge en hydrogène à Québec, où j’ai fait mon essai. Par contre, elle était en panne lorsque j’ai conduit la Mirai donc impossible de la ravitailler. J’ai donc dû écourter mon essai et surtout replanifier une sortie à l’aide d’un polluant véhicule à essence. Quelle horreur! Donc, oui la Mirai a le potentiel de se recharger plus facilement qu’une voiture électrique, mais encore faut-il que les quelques stations-service qui offriront de l’hydrogène fonctionnent. Sinon, vous n’avez qu’une belle sculpture d’art contemporain dans votre entrée de garage.

Toyota n’a plus de preuves à faire au niveau de la fiabilité. Tout fonctionnait comme sur des roulettes et je ne vois rien d’inquiétant à l’horizon mis à part tout le système directement relié au réservoir d’hydrogène et à son remplissage. Il s’agit tout de même d’une nouvelle technologie qui doit encore faire ses preuves. Petit exemple, la fameuse vapeur d’eau est récupérée dans un réservoir qui doit être vidangé de temps à autre. Le tout se fait de façon automatique, mais qu’arrive-t-il en hiver par grand froid? L’eau gèle à zéro degré Celsius alors ce petit réservoir doit être chauffé. Un autre système qui peut faire défaut et qui a le potentiel d’avoir de graves conséquences.

Au moins vous sauverez sur l’entretien, qui s’annonce presque inexistant. Un moteur électrique est par sa construction extrêmement fiable et contient peu de pièces. Les freins sont beaucoup moins sollicités que dans un véhicule standard à cause du système de régénération, etc.

Tout ça a un prix, soit 75 515$ avant taxes. Oui, oui, la Mirai coûte 75 000 douleurs. Il y a bien des rabais du gouvernement provincial et fédéral, mais «come on!!» comme dirait l’autre. De toute façon, mon indignation est inutile puisque pour l’instant seules des flottes commerciales peuvent profiter de ce rutilant bolide.

Conclusion.

L’expérience de l’hydrogène est complètement transparente pour le conducteur et il n’y a aucune pollution émise par le véhicule lui-même. De plus, les composants entrant dans la fabrication de pile à hydrogène sont assez standard et disponibles facilement. Reste la production de l’hydrogène qui, selon la méthode retenue, peut être assez polluante, mais déjà de nouvelles technologies prometteuses devraient régler ce problème.

Donc, est-ce que je recommande la Mirai? Absolument pas, c’est une bonne voiture, mais elle ne fait rien de mieux qu’une vulgaire Toyota Camry et on vous en demande trois fois le prix. Néanmoins, c’est la voie de l’avenir, car zéro pollution. Il faudra seulement que Toyota et les autres constructeurs continuent à peaufiner leur version et surtout nous amènent des modèles beaucoup plus abordables et une infrastructure de ravitaillement digne de ce nom.

Design : 3/5
Motorisation : 5/5
Tenue de route : 4/5
Fiabilité et coût de possession :  1/5

Score final : 14 / 20

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